Xavier Roux est un artiste français qui vit à New York où il a reçu le magazine LUXE en avant-première de son exposition qui ouvrira le 18 novembre 2017, sur les lieux mêmes de notre visite, puisque c’est une installation in situ qui fait l’objet de l’évènement artistique.

Comment avez-vous nommé cette installation murale?

J’ai intitulé l’œuvre Swimming Pool en hommage à La Piscine de Matisse. Je souhaitais créer l’impression d’immersion que l’on a quand on plonge dans une piscine. Les couleurs sont dans les tons des reflets de la lumière dans l’eau bleue de la piscine.

L’effet est lumineux et irradie l’espace. On a l’impression d’être au centre de multiples fenêtres. Comme si vous aviez percé les murs de vitraux grâce à vos dessins.

J’ai un rapport intimiste avec l’architecture. C’est une relation mémorielle et émotionnelle plus qu’esthétique. Certains espaces m’inspirent, je m’y sens bien. Je projette mon espace intérieur sur la structure existante. C’est probablement pour cela que j’aime les espaces qui créent un vide. J’aime les cathédrales et les piscines pour cette raison. J’ai d’ailleurs réalisé une vidéo (Agnus Dei) il y a plus de dix ans qui s’inspire de ce thème.

On se sent transformé par l’expérience. Rothko disait que l’art n’était pas à propos d’une expérience, mais que l’art était une expérience.

C’est intéressant que vous citiez Rothko. Il a réalisé une chapelle au Texas qu’il a d’abord créée dans son atelier avant de faire construire un espace identique où il a installé ses peintures comme elles l’étaient dans son atelier. Le choix de l’espace pour cette exposition nous a conduits à utiliser mon atelier afin de préserver l’expérience d‘immersion dans l’œuvre. C’est donc une démarche assez similaire à celle de Rothko.

D’une manière plus générale, je considère l’acte créatif comme une expérience. Je fais beaucoup de projets d’art participatif précisément pour enrichir l’expérience du public et lui permettre une autre perception de l’œuvre.

Votre atelier est un laboratoire de création où toutes sortes d’expérimentations ont lieu. Vous détournez des machines créées pour effacer toutes traces (Roombas), que vous manipulez pour en faire des outils à tracer!

Je considère le travail de création comme très similaire à celui du chercheur scientifique. Je m’intéresse beaucoup à la recherche fondamentale notamment en physique des particules et en neuroscience. La similarité des approches tient à la nature même de la recherche : le chercheur comme l’artiste ne sait pas ce qu’il cherche et encore moins ce qu’il va trouver. On part d’une hypothèse, d’une idée, et on essaye de la valider et de voir où elle nous conduit. C’est un travail ludique qui requiert une grande ouverture d’esprit et beaucoup d’imagination.

C’est également un travail qui demande une bonne dose d’humour pour savoir accepter les erreurs qui sont le terreau essentiel des grandes découvertes, des grandes créations. Découvrir et créer sont en fait une seule et même chose.

Vous avez l’art de faire avec l’innatendu. Par jeu et par esprit de contradiction pour défier les conventions, vous déviez des machines pour créer de la poésie. Un vrai bonheur! Le bonheur, le jeu et le dessin sont très intimement associés.

L’inattendu, c’est pour moi la substantifique moelle de l’expérience créatrice. Si je savais d’avance ce que produira le processus de création, je n’y trouverais aucun plaisir. Le jeu consiste à fixer des règles et des contraintes et à se laisser surprendre par l’expérience. C’est également ma philosophie du bonheur.

www.xavier-roux.com

Texte : Barbara Stehle