Demetrios Papakostas : la géométrie abstraite et une vision collaborative pour les artistes au Québec

Artiste-peintre multidisciplinaire depuis 22 ans et galeriste en plein essor, le Montréalais Demetrios Papakostas joue un rôle bien unique au sein du circuit d’art local. Dans un échange intime avec LUXE, il décrit l’évolution de son œuvre ainsi que le travail accompli avec sa galerie pour renforcer les liens de la communauté d’art contemporain du Québec.
Une passion pour l’abstrait
Demetrios Papakostas a pris la décision de devenir artiste visuel à temps plein à l’âge de 40 ans, après une carrière en arts graphiques, lorsque sa première professeure de peinture, l’aquarelliste prolifique Heather Midori Yamada, l’a encouragé à foncer. Elle n’a pas eu besoin d’insister davantage. « J’aime faire preuve de créativité et expérimenter. Je voulais y consacrer tout mon temps », confie-t-il.
Dès le début, l’artiste a été fortement influencé par les peintres expressionnistes abstraits, comme Mark Rothko, Joan Mitchell et Willem de Kooning, en incorporant dans ses propres tableaux les traits abstraits plus libres et gestuels de ce courant artistique.
En 2014, Demetrios Papakostas a commencé l’apprentissage des subtilités de l’abstraction géométrique du hard-edge. Il se souvient de cette période que son « esprit était en éveil. » Ce style artistique demande de tracer des lignes bien définies en apposant délicatement du ruban adhésif pour diviser la surface en plans précis. Les œuvres des maîtres québécois du hard-edge, comme Guido Molinari, Yves Gaucher, Fernand Leduc et Claude Tousignant, sont devenues une source de référence pour lui, mais c’est à Barry Allikas qu’il attribue le mérite de lui avoir appris à maîtriser parfaitement les techniques.
Demetrios Papakostas a exploré les notions de mouvements en peignant des portes et des portails qui évoquaient le mystère, l’anticipation et le désir de faire des découvertes. « De là, j’ai essayé de bien apprendre mon art et d’illustrer les différentes formes de nouvelles façons. C’est un processus continu très technique avec une courbe d’apprentissage importante », explique-t-il.
Aujourd’hui, il se concentre sur la peinture monochrome. Le jeu de réflexion sur la surface de traits opposés de pigments très foncés était au cœur de sa récente exposition Capte la lumière. Les spectateurs qui prenaient le temps de s’approcher des tableaux étaient récompensés par une profondeur et des nuances surprenantes. Selon l’artiste, c’est un antidote au rythme effréné de la vie maintenant monnaie courante. « On recherche la satisfaction immédiate. On ne s’arrête pas pour regarder. Mais quand on le fait, on explore de nouvelles dimensions. Le minimalisme est difficile, même s’il met de l’avant la simplicité, le mouvement et la sérénité. D’une certaine façon, je recherche la paix et la sérénité par mon art », précise-t-il.
Galerie Erga : au coeur d’une infinité de possibilités
Contrarié par les obstacles à la présentation d’expositions au Québec, Demetrios Papakostas cherchait une place bien à lui, un endroit qui lui permettrait de créer et d’exposer ses œuvres d’art. Il sentait que les artistes québécois avaient cruellement besoin de représentation, mais qu’il était très difficile d’avoir une place dans les galeries bien connues et que les galeries de location abordables étaient délabrées. En 2016, il est tombé sous le charme d’un local sur le boulevard Saint-Laurent, au sud de la Petite Italie, qui est rapidement devenu la galerie Erga. En plus de son aire polyvalente dotée d’un plafond haut et d’une vitrine couvrant toute la façade qui laissait entrer beaucoup de soleil, il y avait suffisamment d’espace pour un bureau privé et un studio de travail.
Demetrios Papakostas a compris que la galerie Erga pouvait avoir un effet catalyseur pour favoriser le dialogue et la collaboration au sein de la communauté d’art contemporain. « Il n’y a pas assez de liens entre mes collègues artistes. Nous sommes tous dans le même bateau, mais nous restons isolés dans nos propres univers », se désole-t-il. Depuis qu’il a commencé à louer la galerie à des personnes et à des groupes à tour de rôle, il est toujours stupéfait et émerveillé des œuvres que chaque artiste décide d’accrocher au mur. « Il n’y a rien qui suscite plus d’engouement qu’une galerie qui se transforme chaque semaine! », se réjouit-il.
« Le monde de l’art n’est pas facile. La galerie Erga est un lieu où les artistes peuvent créer leur propre exposition. Il faut redonner de la liberté aux artistes pour leur permettre d’aller encore plus loin », continue-t-il.
Dans les années à venir, Demetrios Papakostas souhaite transformer sa galerie en espace collaboratif pour les artistes grâce à un programme laissant la place aux groupes de discussion ouverte, aux critiques et aux rencontres. « J’envisage une sorte de commune d’artistes qui servirait de lieu de rassemblement », conclut-il.
Art sur Papier : un nouvel événement artistique annuel
Demetrios Papakostas rassemble également les artistes et enrichit la programmation artistique de Montréal grâce à un nouveau rendez-vous annuel : Art sur Papier. Cet événement communautaire est l’occasion de célébrer le solstice d’été par une exposition de deux semaines qui présente les œuvres papier d’une vingtaine d’artistes locaux, à la galerie Erga.
Il vise à mettre en valeur les artistes et à les faire connaître à un nouveau public et à de nouveaux clients. L’événement Art sur Papier a mis à l’honneur des peintures, des dessins, des collages, des gravures et des sculptures de papier mâché. Toutes les œuvres étaient vendues au public.
Demetrios Papakostas est actuellement représenté par la galerie Denison, à Toronto, et la galerie Objets Trouvés, à Oklahoma City.
www.demetriospapakostas.com
www.galerie-erga.com
Rédactrice : Jennifer Laoun-Rubenstein
Couverture : Demetrios Papakostas avec son oeuvre, Sunshine, huile sur toile, 48 x 72 po © Demetrios Papakostas